Retourner aux études quand ta santé bascule

Mars 2010. Je suis au bureau et je ne peux plus suivre le rythme : trafic, boulot, devoirs, lunchs, etc. Quelque chose de sournois me guettait depuis quelques mois et je n’en ai pas vu venir les signes. Ce qui devait arriver arriva : dépression/burn-out. J’ai pleuré ma vie en me disant que je ne pouvais pas laisser tomber mes collègues de travail, que je devais me remettre rapidement sur le « piton », je cherchais ce que j’allais faire avec mon conjoint, mes enfants, etc.  Ça a pris plus d’un an avant de me remettre sur pied… Pendant ce congé de maladie, j’ai eu, vous vous en doutez, beaucoup de temps pour réfléchir. Mon Dieu qu’on se remet en question lorsque nous tombons au combat. Sans que je m’en rende compte vraiment, mon plan de vie prenait tranquillement une nouvelle tournure…

Février 2011. Je me rappelle, comme si c’était hier, d’avoir eu un flash, tout d’un coup, comme ça. Bang. Lors d’une promenade santé près du campus de l’Université de Montréal (j’allais à mon rendez-vous avec ma psychologue), j’ai eu une drôle de pensée. Une pensée qui allait devenir de plus en plus obsédante : pourquoi ne pas retourner aux études ?

J’avais 36 ans, 2 enfants âgés de 8 et 10 ans, un mari, un diagnostic TAG (trouble d’anxiété généralisée) et une volonté d’être plus heureuse, plus sereine et surtout, mieux dans ma tête. Je me rappelle de m’être dit : si je retourne aux études faire un baccalauréat de 4 ans, j’aurai 40 ans à la fin de mon bac. Il me restera au minimum 20 ans à travailler. C’est long 20 ans, mais si c’est pour faire quelque chose que j’aime, pourquoi pas ? Ici, je dois ajouter une précision; j’aimais beaucoup ce que je faisais avant.

Détentrice d’un DEC (diplôme d’études collégiales) en architecture, je dessinais les plans des expositions comme le Salon du livre de Montréal, le Salon de l’auto, le Salon de l’habitation, etc. J’adorais le contact avec les promoteurs, avec mes collègues, mais je pense que j’avais fait le tour et que j’étais mûre pour un changement. Le soir même de cette fameuse marche, je fais part de ma super idée à mon homme et il trouve qu’elle n’est pas mauvaise. Youpi !

Commencent alors mes rencontres avec une conseillère en orientation. Dans ma tête, c’était devenu une priorité numéro 1. J’ai passé des tests d’aptitude et eu des échanges fort intéressants avec elle. Ce fut très instructif et, lors de ces conversations, j’ai réalisé que je n’avais pas toujours fait des choix de carrière avec mon cœur. J’avais surtout fait des choix de façon plus rationnelle. Après trois rencontres, un profil se dessine à l’horizon : le monde de l’enseignement. Je me rappelle alors que cela faisait partie de mes choix lorsque j’étais toute jeune. Je voulais être enseignante au primaire, puéricultrice (infirmière avec les nouveau-nés) ou architecte. J’avais eu mes bébés et je travaillais dans un domaine connexe à l’architecture. Ne me restait plus que l’enseignement.

Cette fois-ci, j’allais écouter ma petite voix intérieure et suivre mon instinct. Il ne me restait que quatre jours pour m’inscrire (avant le 1er mars), mais j’avais la forte intuition que si je ne faisais pas quelque chose à ce moment-là, je n’allais jamais le faire. Ayant le GO et le soutien de mon homme, je me suis alors inscrite à l’UQÀM et à l’Université de Montréal en enseignement en adaptation scolaire. Je ne vous dis pas dans quel état j’étais lorsqu’est venu le temps de m’inscrire en ligne.

J’étais tellement anxieuse et inquiète (comment y arriverions-nous financièrement ?) que j’en avais pleuré tout le week-end. Quelques semaines après, j’ai su que j’étais acceptée dans les deux universités. Il me fallait choisir : une autre séance intense d’anxiété… J’ai finalement choisi l’UdeM.

Après l’euphorie, ce fut un peu la débandade… La réalité me rattrapait rapidement. J’avais fait un choix avec mon cœur, mais techniquement parlant, le fait de retourner aux études avec une famille, qu’est-ce que ça impliquait exactement ? Il y avait plusieurs aspects que je devais prendre en considération, le premier étant l’argent. Malheureusement, on ne peut pas vivre d’amour et d’eau fraîche… Et, qui dit « retour aux études », dit forcément « baisse de revenus » (pire : absence tout court de revenus). Heureusement pour moi, j’avais l’appui financier et, surtout, moral de mon homme. J’ai quand même dû faire une demande de prêts et bourse pour poursuivre mon rêve. Il ne faut pas se le cacher, étudier à l’université, ce n’est pas gratuit. Il y a les frais de scolarité, les livres, les petits à-côtés, etc. Ma plus grande concession durant ces 4 années : ne plus avoir d’auto et devoir utiliser les transports en commun soir et matin, même si ça me prenait près d’une heure trente pour me rendre à l’école. Perdre une certaine liberté pour mieux me reconstruire, j’étais prête à le faire. Et je l’ai fait !

J’ai donc entamé mes études universitaires en septembre 2011, à l’âge de 36 ans. J’ai voulu vivre mon bac comme n’importe quelle étudiante : je ne voulais pas me sentir à part des autres parce que j’étais plus vieille. Je voulais vivre mon expérience à fond. Je suis même allée à la journée d’initiation. Je ne connaissais personne ! Je capotais !

Je me suis retrouvée dans une cohorte de plus de 110 étudiants dont la moyenne d’âge était près de la moitié du mien. Mais j’ai vite appris à vivre avec eux, à m’intégrer et à avoir bien du plaisir à jaser avec cette jeunesse. Je crois que le succès de mon intégration aura été de vouloir faire partie d’une belle cohorte et de ne pas rester seule dans mon coin. Je pense sincèrement que nous avons le pouvoir de choisir : être bien et profiter de cette nouvelle expérience pour apprendre, se connaître mieux et tout ou vivre en parallèle, en faisant le strict minimum, sans avoir de sentiment d’appartenance. J’avais choisi de faire partie d’une « famille ».

Je dis souvent que mon retour aux études est un choix personnel, mais c’est surtout un choix familial. Mon mari et mes enfants ont toujours été tenus au courant de mon cheminement. Mon homme m’a énormément soutenue durant ces quatre belles années et mes enfants, aussi. Cependant, mes cocos ont parfois trouvé difficile de ne pas me voir certains soirs de semaine. J’étais souvent moins patiente avec eux et j’ai dû manquer quelques activités familiales afin de me concentrer sur mes études et travaux universitaires. Je me suis souvent sentie coupable de ne pas être présente physiquement et psychologiquement, mais en même temps, j’aimais tellement ce que j’apprenais… Je me sentais revivre littéralement. Je dis souvent que les études ont sauvé ma vie et je vous jure que, dans mon cas, ce n’est pas cliché d’écrire ça. Oui, il y a eu de grandes périodes d’adaptation, il a fallu tenir notre calendrier familial à jour pour ne pas perdre le fil. J’essayais de planifier mes repas pour gagner du temps, je prenais les rendez-vous médicaux et dentaires lors de mes journées de congé sinon, c’est le papa qui prenait la relève et surtout, j’ai ACCEPTÉ l’aide que l’on m’offrait. Moi, qui suis très orgueilleuse et indépendante, j’ai appris que l’on pouvait compter sur les autres et pas seulement dans les moments difficiles. J’ai dû lâcher-prise sur certains aspects de ma vie pour poursuivre mon rêve.

J’en aurais encore long à écrire sur mon retour aux études. Il est difficile pour moi de synthétiser quatre années complètes en quelques mots. Mais sachez que JE NE REGRETTE AUCUNEMENT mon retour aux études. Je viens de vivre ma première rentrée scolaire en tant qu’enseignante et je me sens littéralement comme un petit poisson dans l’eau. Jour après jour, je bénis le ciel d’avoir OSÉ faire ce changement. Je me suis découvert une véritable passion pour l’enseignement, en particulier avec les élèves ayant des troubles ou des difficultés d’apprentissage. J’aime tellement ça que je poursuis d’ailleurs mes études au cycle supérieur (maîtrise en recherche à l’Université de Montréal) en lien avec la littérature jeunesse. J’entrevois maintenant mon avenir professionnel avec positivisme !

Vous aimeriez changer de carrière, retourner sur les bancs d’école ? C’est possible. Dans mon cas, je devais faire mon baccalauréat à temps plein (pour suivre ma cohorte), mais sachez qu’il existe différents programmes adaptés à vos besoins : cours de jour, cours de soir, cours à distance, DEP (diplôme d’études professionnelles), DEC (diplôme d’études collégiales), certificat universitaire, etc.

Voilà quelques liens qui pourraient vous intéresser.

Un retour aux études, pourquoi pas

 Comment financer ses études

Programme de prêts et bourses

Sur ce, bonne réflexion !

Article rédigé par Carolyne Soulard
@SoulardCarolyne




Précédent
Précédent

Le syndrome Godzilla

Suivant
Suivant

Les troubles d'apprentissages : un peu d'humour