Confessions d’une prof masquée - Partie 1

Les mois de septembre et d’octobre sont derrière nous et il en va de même de cette rentrée scolaire de fou! Petite mise en contexte, c’est après un congé de maternité prolongé que je retournais enseigner. T’es pas la première vous me direz? Je suis totalement d’accord! Et sachez que ce n’est pas mon genre de m’apitoyer sur mon sort. Au contraire, j’ai tendance à vivre dans le déni, dans mon monde de licornes comme on dit! Mais reste que cette rentrée s’annonçait particulièrement exigeante et épuisante. Nouvelle école, nouveau degré et sans oublier un tout petit détail : ce serait la première rentrée scolaire masquée de l’humanité!

Je tiens à préciser que ce texte ne sera pas censuré. J’ai le goût de dire tout haut mes pensées d’enseignante de première année, de dévoiler en toute transparence mes confidences de prof masquée. La seule chose que je vous demande en retour est de garder en tête que les mots qui suivront dépeignent ma vision de la situation. Il ne faut pas oublier que cette dernière diffère dans les multiples établissements scolaires et que chaque personne la vit à sa manière.

Deuxièmement, ça fait déjà quelque temps que je travaille sur ce texte et que je n’arrive pas à l’écrire. J’en suis venue à la conclusion que c’est parce que j’en ai trop long à dire. Je pourrais facilement écrire un livre en lien avec cette pandémie… Alors voici donc la première partie!

Commençons par le début de l’année qui fut marqué par le port de la visière. Je n’oserais remettre en question l’importance de cette dernière, mais chaque fois que je l’ai portée, une phrase tournait en boucle dans ma tête: LA VISIÈRE C’EST L’ENFER! C’est qu’étant enseignant, on bouge énormément, mais peu importe l’ajustement cette protection glissait constamment. Puis il est évident qu’une des tâches prioritaires des professeurs est de se faire entendre par les auditeurs. Le hic c’est que malgré la minceur du plastique, les notions mathématiques qui sortaient de ma bouche ne se rendaient pas jusqu’à mon public…

Alors pour compenser, je parlais de plus en plus fort jusqu’à presque hurler. Malheureusement, j’ai bien vite réalisé que la visière agissait comme un écran rebondissant et me renvoyait le son de ma voix amplifié! C’était comme si je me criais après moi sans arrêt : allô le mal de tête à la fin de la journée! Mais ne dérogeant pas de ma mission d’éduquer et d’enseigner, je continuais. Il m’arrivait donc souvent d’être essoufflée et d’avoir la voix enrouée. Combien de fois ai-je pensé : Ho Ho, j’ai mal à la gorge, j’ai peut-être la Covid!? Ha non, c’est simplement parce que je passe ma journée à gueuler dans ma visière. Misère!

Sur une note plus humoristique, je ne savais pas à quel point je postillonnais avant de porter cet écran. Il faut dire que c’est quand même impressionnant! Mais reste que de cracher et que ça reste estampé là bien en évidence, c’est un brin gênant! Heureusement, j’enseigne à des enfants qui ne sont pas encore conscients des conventions sociales et qui portent peu de jugement.

Puis vint le temps de troquer la visière pour le masque et les lunettes. Sur le coup, j’étais soulagée. Malheureusement, cela m’a pris moins d’une journée pour déchanter… Oui, les protections oculaires tiennent mieux, mais le masque et les lunettes ne s’entendent pas entre eux! Peu importe comment on les place, de la buée apparait à la surface. Et mettons qu’enseigner sans voir les écarts de conduite des élèves c’est loin d’être efficace! J’ai le gout de faire un remix d’une expression célèbre : Quand les lunettes sont embuées, les élèves font le party! Voyez-vous de quelle expression je veux parler?

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Et je dois me vider le cœur, chaque fois que je pose les lunettes sur mon nez, je ne peux m’empêcher de penser qu’il y a moins d’un an je me suis fait opérer les yeux pour ne plus en porter… Ça fait vraiment suer!

Mais si on s’attardait un peu plus au masque à lui seul. Parce que je dois me confesser, il m’arrive de faire semblant d’avoir oublié mes verres quelque part dans l’univers. Ne me jetez pas de roches, ils ne sont jamais bien loin au cas où un élève ne s’approche! On est au courant, le masque c’est contraignant et étouffant. Mais mon plus gros constat c’est qu’enseigner sans pouvoir montrer aux élèves mes expressions faciales c’est loin d’être l’idéal! La gestion de classe est déjà un art en soi, mais elle relève maintenant d’un vrai exploit.  Comment capter l’attention des tout-petits sans leur montrer notre enthousiasme? Comment leur témoigner notre mécontentement lorsqu’ils ont besoin d’encadrement? Comment les calmer et les réconforter sans pouvoir leur montrer notre sourire accueillant? Comment enseigner la prononciation en ayant le visage caché des yeux au menton?

Pour compenser, je me suis mise à faire des gestes beaucoup trop exagérés. Je me fais souvent penser à un mime ou à Charlie Chaplin. Et déformation professionnelle oblige, c’est rendu que je suis toujours trop dramatique ou expressive. J’ai vraiment l’air de Céline Dion même quand je parle tout bonnement à mon copain dans le salon!

Mais, il y a un bon côté dans chaque situation et laissez-moi vous dire que le masque est LA solution pour savoir si on pue de la bouche. Mettons qu’on le remarque assez rapidement si notre haleine est louche! Ha et tant qu’à en rire, je dois vous dire que souvent je me remémore mon jeune temps. Mais je ne pensais jamais revivre ma puberté à 30 ans! Peu importe les onguents, les crèmes et les différents produits nettoyants, les boutons au niveau du nez et du menton se font persistants.

Alors voilà, dans ce premier segment de ma vie de prof masquée j’ai abordé plutôt l’aspect des restrictions et des protections pour éviter la contagion. J’ai décidé d’y aller avec un peu d’humour et de légèreté parce que je suis consciente que la situation est difficile et lourde à porter. Il y a plusieurs sujets plus sérieux qui doivent être abordés : les horaires qui sont chamboulés, les minutes de récupération écourtées, les classes et même les écoles qui risquent de fermer, la tâche des enseignants qui est augmentée, l’enseignement à distance qui doit être maîtrisé, le stress, l’incertitude, les adaptations… Et surtout, le travail exceptionnel du personnel des écoles. Chaque jour je vois des enseignants ainsi que des intervenants qui trouvent le moyen d’être résilients et souriants. Je crois que c’est parce que nous avons un but commun : protéger et s’assurer du bien-être de nos enfants qui tentent de se définir dans ce monde en changement…

***

C’est en relisant ces lignes pour m’assurer qu’il n’y a pas de coquille que je reçois un courriel. Je peux lire en majuscules : PREMIER CAS DE COVID CONFIRMÉ. Je m’approche de mon ordinateur, c’est un élève de ma classe. J’ai arrêté de respirer : Hé merde c’est commencé!

Un texte de la prof masquée

 

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