Une histoire de violence camouflée

Ça aura duré près d’une décennie.  Aujourd’hui séparée, je travaille encore tous les jours pour sortir de son emprise.  Écrire et envoyer ce texte m’aura demandé des mois de travail, parce que malgré l’anonymat de celui-ci, je suis morte de peur à l’idée d’être reconnue, d’être accusée de vouloir le détruire, d’être une menteuse qui exagère et s’invente des histoires pour faire pitié.  Encore aujourd’hui, plus de 15 ans après le jour de notre première rencontre, il m’est encore extrêmement difficile de dire que « tout ça », c’était de la violence.  Que ça l’est encore.

Au début, c’était des broutilles… il était grand et fort, solide comme le roc, n’avait peur de rien.  Moi, je sortais tout juste d’une grosse dépression, j’avais eu des problèmes d’estime toute ma vie, des problèmes alimentaires aussi. Il me trouvait belle, alors je faisais tout ce qu’il voulait (lire entre les lignes :  T.O.U.T.E.)  Quelques mois après notre rencontre, je quittais tout ce que j’avais pour emménager chez lui, très loin de mes racines et de ma famille. Dans le logement, il y avait encore les choses de son ex, partie quelques mois plus tôt, tout juste quelques jours avant notre première rencontre à lui et moi. Du jour 1 jusqu’à notre séparation, c’était lui qui payait toutes les factures (loyer, électricité, téléphone, câble…). Et comme il payait tout, il décidait aussi de tout : rénovations, couleur des murs, meubles... c’était chez lui, ça n’a jamais été chez moi.

violence camouflée-violence conjugale-violence psychologique-couple-ressources-femme-Je suis une maman

Puis ça s’est gâté tranquillement, subtilement, surtout après l’arrivée de notre premier enfant…

Mon travail, beaucoup moins payant que le sien, était considéré par lui comme un passe-temps.  C’était donc à moi de prendre congé pour notre enfant, tout le temps.

Et puisque j’étais toujours en « congé » (fermeture de garderie, maladie de l’enfant, rendez-vous médicaux, fériés, vacances…) et que lui travaillait très dur, pour se reposer, il sortait tous les weekends avec ses amis (et leurs copines) et je restais à la maison « pour garder », on n’avait pas de famille pour nous aider.  Les rares fois où je l’accompagnais quelque part, il ne me présentait à personne. Moi, je faisais partie de sa vie privée. Alors je restais en retrait, j’étais invisible.

Un jour, il a décidé que c’était fini entre nous.  J’étais contrôlante, possessive, manipulatrice, je l’empêchais de vivre sa vie comme il voulait.  L’échec de notre relation était entièrement ma faute.  Si je lui avais donné plus de sexe, plus de temps pour lui tout seul, si je l’avais laissé dépenser son argent comme il voulait, on n’en serait pas rendu là.

J’ai cru que ma vie était finie, je n’avais personne d’autre que lui et mon enfant, je n’avais aucun réseau social, un emploi peu payant, et depuis longtemps déjà, je ne faisais plus attention à mon apparence puisque de toute façon, je ne sortais pratiquement jamais de la maison.

Mais pour moi, ça n’était pas de la violence, ça ne l’a jamais été… Il était beau et grand et fort et gagnait beaucoup d’argent et avait plein d’amis, il était parfait, alors que moi… Il avait tellement raison de me quitter…

Et un jour, j’ai accepté. Après des années à lire et lire et relire encore.  Et parler, parler et parler encore. J’ai dû entendre des femmes et des hommes en parler pour arriver à admettre que c’était « ça ».  

Chaque fois qu’il me disait que mon travail ne comptait pas, chaque fois qu’il se moquait de moi parce que j’aimais regarder des téléromans, chaque fois qu’il refusait de m’accompagner à certains endroits que j’aimais en me disant que « c’est juste les pas-de-vie qui aiment ça », c’était des attitudes de mépris créant un climat d’infériorité et de dévalorisation.  De la violence.

Chaque fois où il m’a dit que si notre enfant avait autant de difficultés à l’école ou dans la vie, c’était à cause de ma façon trop maternelle de l’élever et de l’infantiliser, chaque fois où il m’a fait lire un article « scientifique » démontrant le lien entre XYZ pendant la grossesse et des problèmes de développement/comportement, c’était des sous-entendus insidieux.  De la violence.

Chaque fois où il sortait avec ses amis (et leurs copines) et me laissait seul à la maison, chaque fois qu’il regardait l’afficheur pour savoir qui avait téléphoné ou qui j’avais appelé, ou qu’il vérifiait l’historique sur internet, c’était du contrôle, de l’isolement, une surveillance étroite.  De la violence.

Chaque fois qu’il a refusé que je sorte avec ma seule amie en me disant « j’ai déjà des plans » alors qu’il n’en avait pas, chaque fois qu’il m’a dit que « tout le monde dit que tu racontes XYZ » sans jamais vouloir me dire qui était « tout le monde », chaque fois qu’il a prétendu être au travail alors qu’il avait toujours congé ce jour-là, c’était des mensonges, des manipulations, des mises en scène, des sous-entendus.  De la violence.

Chaque fois pourtant, c’était ma faute.  

Encore aujourd’hui, il prétend que ça l’est.

Mais moi, je n’y crois plus maintenant.

Vous vous reconnaissez dans cette histoire?  Lisez, parlez, n’ayez pas peur…

Ressources :

https://www.accroc.qc.ca/wordpress/violence-psychologique-signes-avant-coureurs/

http://www.lagitee.ca/femmes-466-accueil.php

 L’auteure désire rester anonyme

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